Reportages

La réglementation en station de ski

Chaque hiver, nous sommes 7 millions à rejoindre les stations de ski. Alors forcément, une réglementation précise encadre cet exode massif et saisonnier au nom de la sécurité de tous. Pourtant qui connaît vraiment la réglementation en station ? Le skieur qui viole ces règles est-il passible d’une amende ? D’autre part quelles règles concernent l’opérateur c'est-à-dire la station de ski ? Sports-Hiver aborde ces questions pas toujours faciles…

Des règles à l’usage des pratiquants

Vous connaissez tous ces dix commandants affichés sur les cartes et disponibles en petits fascicules. Ces règles sont un rappel au bon sens et au savoir vivre, et furent élaborées par la FFS en 1972. A ce moment là, les stations étaient en pleine croissance et implantées en site vierge, elles développèrent une architecture urbaine, rationnelle imposée par le Plan Neige, véritable « prototype de développement urbain », piloté par l’Etat et calqué sur celui des marinas. On rêvait d’une démocratisation du ski… Conséquence : du monde bien sur, beaucoup de monde, des pistes larges et surtout très fréquentées. Il fallait donc, pour gérer au mieux cet entrelacs complexe de skieurs, imaginer un code qui aurait plus une valeur préventive qu’autre chose : Les 10 commandements du skieur firent donc leur apparition.

Un règlement commun à toutes les stations

Ces commandements, appelés aussi règles ou code ou réglementation, peuvent varier dans la forme d’une station à l’autre, mais le contenu est toujours le même. Rappelons-le, elles n’ont aucune vocation répressive. Violez-les, vous ne risquez rien, il n’y a aucun dispositif juridique pour sanctionner une vitesse excessive. Les brigades volantes constituées de pisteurs mis en place dans certaines stations n’ont qu’une fonction préventive. Peut-on ôter le forfait pour conduite dangereuse sur les pistes ? C’est impossible et surtout illégal, le forfait est un titre de transport et non un permis de skier !

Mais attention, les pistes ne sont pas pour autant des zones de non droit. Les responsables de dommages causés aux tiers seront poursuivis, comme partout ailleurs. En cas de collision, la gendarmerie se déplace aussitôt et vient constater, les témoins seront entendus et le juge pourra bel et bien se servir des « règles de bonne conduite » pour déterminer une conduite dangereuse, délibérée ou non, mettant en péril la vie d’autrui.

Une prévention nécessaire !

Sur l’ensemble des 300 stations françaises, ce sont des milliers de personnes par jour qui se croisent et se décroisent dans l’anarchie souvent la plus totale : vitesse excessive, mauvais contrôle des trajectoires, méconnaissance absolue des mécanismes de pivotements et de freinage, mauvaise condition physique, surestimation de son niveau de ski… C’est un peu comme si l’autoroute devenait soudain à double sens, encombrée de conducteurs totalement inexpérimentés, arrêtés au milieu de la chaussée et rêvant d’en découdre le plus vite possible !

Les pisteurs secouristes procèdent chaque année à environ 40 000 interventions. Les collisions ne représentent pourtant que 5% des accidents, ce qui est finalement très peu compte tenu de l’intensité du trafic mais toujours trop pour les victimes ! L’association nationale des directeurs de pistes et de la sécurité rappelle que ce chiffre n’augmente pas malgré l’augmentation des skieurs. Donc ne stigmatisons pas, la situation est loin d’être catastrophique et l’idée de mettre en place un système plus répressif, capable de verbaliser comme le Code de la route n’est pas pour l’instant judicieux. Le point fort sur lequel souhaite donc continuer de travailler la FFS et d’autres organismes est la prévention en renforçant la communication autour de ces règles de conduite, en multipliant les initiatives telles des brigades mobiles pour informer les skieurs.

Des règles…citoyennes !

Trois règles font appel à votre civilité : ne mettez pas en danger la vie d’autrui, portez assistance en cas d’accident, témoignez si nécessaire. L’une d’elles invite les piétons à remonter en bord de piste. Les autres règles font mention des faits suivants : vous venez d’en haut ? Vous n’avez pas la priorité. Ne stationnez pas sur les passages étroits ou derrière une bosse. Vous souhaitez dépasser ? Pas de souci à condition de le faire à droite ou à gauche, en anticipant les évolutions de celui qu’on dépasse. Au croisement de pistes, arrêtez-vous comme sur la route avant de vous engager… Vous souhaitez skier vite ? Oui, à condition de maîtriser sa vitesse en tenant compte de l’état de la neige, de la visibilité et de la pente ! Enfin vous êtes tenus et là vous serez directement sanctionnable si vous ne le faites pas, de respecter les arrêtés municipaux et les balisages mis en place. Vous souhaitez prendre une piste fermée, rien ne vous en empêche, cependant en cas d’accident votre assurance pourrait ne pas fonctionner et votre responsabilité pourrait bien être engagée.

Les arrêtés municipaux, obligations du maire et du service des pistes

Hé oui, si les règles de conduite dictent notre attitude et nos obligations morales sur les pistes, le maire peut aussi publier un arrêté municipal relatif à la sécurité sur les pistes de ski définissant une réglementation particulièrement précise.
Si un skieur viole cet arrêté municipal, il est passible d’une amende (art. R 610 – 5 du nouveau Code pénal). Cet arrêté peut concerner (dans des conditions très précises) la fermeture au nom de la protection de l’environnement de certaine zones, il peut limiter et définir la pratique du hors piste dans des zones mettant en danger la vie d’autres usagers ou la fermeture pour des raisons de sécurité d’une piste, lors d’un déclenchement d’une avalanche par exemple.

Rappelons qu’en France le hors piste ne peut jamais être interdit, ce type d’arrêté étant une atteinte à la liberté de se déplacer. Les panneaux signalant le domaine hors piste ne sont placés qu’à titre informatif et préventif et ont pour but de marquer les limites du domaine skiable balisé et sécurisé.

Le maire a une obligation de moyens déléguée au service des pistes. Ce dernier devra prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité du domaine skiable. Tache difficile car en France il n’y avait pas vraiment de norme et de réglementation précise, du moins un référentiel commun sur lequel s’appuyer. Hors depuis 2001, à l'initiative de l'Association des Maires des Stations de Sports d'Hiver et d'Eté, une harmonisation de la réglementation est mise en place.

L’information et le balisage sont désormais harmonisés afin que chaque skieur trouve les mêmes repères dans n’importe quelle station française et qu’il puisse identifier sans risque d’erreur les zones dangereuses, les croisements de pistes, évaluer le risque d’avalanche... le tout grâce à une signalétique à base de jalons, de flèches, de banderoles et de panneaux d’informations multilingues.

Le maire est tenu de protéger les pistes des obstacles naturels et artificiels. Des normes sur les spécifications des matelas et filets de sécurité ont été également élaborées dans ce sens. Bien entendu, les télésièges et autres téléskis bénéficient désormais de leur propre signalisation.

La loi montagne

La Loi Montagne fait partie des outils juridiques mis en place pour protéger les espaces naturels. Cette réglementation, assez récente, exprime l’inquiétude face à un développement touristique anarchique néfaste à l’environnement mais entend aussi préserver le tourisme et l’équilibre économique et social des régions de montagne.

La loi montagne au delà d’une protection aveugle affirme plutôt la nécessité de trouver un équilibre entre le développement du tourisme et la protection de l’environnement montagnard en reconnaissant sa spécificité. Une réglementation forte pour les stations de ski qui doivent se réinventer et trouver un consensus entre économie et protection du milieu.

Les zones qui peuvent être aménagées en vue de la pratique du ski et les secteurs réservés aux remontées mécaniques sont donc précisés dans la loi n°85-30 du 5 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne. Les aménageurs ne peuvent plus faire n’importe quoi comme cela est arrivé dans le passé.

Développement durable : vers une nouvelle réglementation ?

Pour l’instant aucune réglementation précise n’encadre les investisseurs par rapport au développement durable. Rien ne les empêche de faire un bâtiment énergétivore… Cependant, depuis quelques années de nombreuses municipalités ont adhéré à la charte nationale en faveur du développement durable, un défi environnemental social et économique, qui doit être concilié avec les impératifs touristiques. Cette quête des possibles est concrètement mise en oeuvre en intégrant au cœur du plan local d’urbanisme (PLU) un programme d’aménagement du développement durable, définissant les lignes de conduite sur les années à venir. Un chantier colossal, les stations de ski françaises étant bâties comme toutes les stations européennes autour de la voiture, et de l’idée désormais désuète que les ressources sont éternelles.

Certaines zones seront certes ouvertes à l’urbanisation mais en tenant compte de l’unité paysagère et du patrimoine naturel. Les promoteurs triés sur le volet devront adhérer à une politique de développement durable qui intègrera concrètement les critères environnementaux.
Pour compléter ce reportage, Sports-hiver vous invite à lire l'article Vers des stations de ski écolo.

Texte et photos: E. Beallet